Ma technique est efficace: vrai ou faux

Un grand nombre de pratiquants d’arts martiaux jugent l’efficacité d’une technique à l’apparence de puissance que peut projeter celui qui l’exécute. Beaucoup de gens s’imaginent que pour être efficace dans les arts martiaux il faut avoir le gabarit du roi Scorpion. Si l’adversaire est musclé, grand, chauve avec un regard de chien enragé et si en plus il arbore des tatouages un peu partout, nul doute qu’il impressionnera un grand nombre de personnes. Pourtant, ses muscles ne le protège pas des doigts dans les yeux, d’un coup aux parties, d’un simple doigt dans une oreille ou d’un coup de pied sur l’extérieur du genou. Au contraire, ses abdominaux bien musclés sont un matériau de choix pour qui sait utiliser les frappes en onde de choc. 

Dans beaucoup d’arts martiaux, on amène les étudiants à vouloir frapper avec rage, comme si la colère était la seule énergie qui permette d’être efficace. On oublie trop souvent que ces frappes en puissance offrent la plupart du temps, des ouvertures qu’un combattant bien préparé peut exploiter avantageusement. On s’imagine que donner des coups de coude ou des coups de genoux en enragés nous apportera la victoire. Oui, si l’on se bat contre quelqu’un qui ne sait vraiment pas se battre. 

La grosseur de l’adversaire impressionne, mais ça ne devrait pas nous affecter dans notre défense. La première chose que nous apprend le Bujinkan est de bouger au bon endroit, au bon moment, un peu à la façon du tigre qui attend le bon moment pour sauter sur sa proie. Que ce soit contre des armes blanches ou à mains nues, lorsque les déplacements sont bien maîtrisés, il y a peu de chance que votre adversaire puisse vous atteindre efficacement. À ce stade de l’apprentissage, la supervision d’un professeur compétent est nécessaire.

On peut frapper un adversaire aussi fort qu’on le peut, si ce n’est pas le bon type de frappe appliquer de la bonne façon au bon endroit, l’adversaire aura la capacité de riposter comme si de rien n’était. Pour ceux qui se sont déjà battus dans la rue, vous allez comprendre ce que je vais dire ici. Souvenez-vous des coups de poings et de pieds que vous avez reçus. Après combat vous êtes resté surpris de constater qu’une bonne partie ces frappes ne vous avaient pas neutralisé. Dans bien des cas, vous ne les avez même pas remarqués. 

On ne doit pas se contenter d’un aspect théorique des arts martiaux. Il faut avoir la capacité d’incorporer les principes qu’Hatsumi sensei nous enseigne depuis quelques années à nos katas et techniques de base. Cette année nous débutons un nouveau cycle où ces principes des dernières années viennent s’ajouter aux katas des diverses écoles qui font partie du Bujinkan. On ne se contente plus de refaire les katas de manière robotisée, mais on apprend comment les utiliser et les adapter pour diverses techniques. 

Cette façon d’appliquer les katas ne s’apprend pas dans les livres ou sur les vidéos d’internet. Il faut se connecter le plus possible avec le Japon et s’assurer que la personne avec qui l’on s’entraîne comprenne bien l’enseignement de Soke. Depuis mon retour du Japon en début février, nous avons débuté les cours avec le niveau shoden du koto ryu. Nous voyons les katas au niveau basique. Puis nous décortiquons les katas en voyant les principes que soke nous a enseignés ces dernières années. Pour l’oeil averti, les katas prennent un tout autre sens qu’une simple répétition automatique de mouvement.

Comme étudiant, nous avons le devoir de nous poser des questions et d’en poser à nos professeurs. S’ils sont compétents, ils se feront un plaisir de répondre à la plupart de vos questions. Se faire questionner, c’est avoir la chance d’acquérir des points de vue que l’on n’avait peut-être pas pris en considération auparavant. Si l’on ne se pose pas de questions, c’est sûr qu’on aura l’impression que toutes nos techniques sont efficaces.

Bernard Grégoire

Daishihan Bujinkan Québec