Amo Isshun no tamamushi:(attraper une guêpe dans ses mains et ne pas se faire piquer)
Lorsque le traducteur présent lors du cours d’Hatsumi sensei a traduit cette expression, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire. Nous vivons en forêt et de temps en temps une guêpe ou une abeille réussit à s’infiltrer dans la maison. Je les remets à l’extérieur en les enveloppant de mes deux mains. Je n’avais jamais songé que ma façon de sortir ces insectes pouvait s’appliquer au budo.
Lorsque je les prends dans mes mains, la première chose que je fais est de chasser toutes mes inquiétudes sur le fait de pouvoir être piqué. La nature n’aime pas la nervosité et j’ai toujours pensé que ces guêpes se laissaient prendre au piège parce que j’étais calme. Bien sûr, il ne faut pas les pressuriser en refermant trop les mains, il faut leur laisser de l’espace afin qu’elle ne se sente pas prise au piège. Et quand vient le temps de les remettre à l’extérieur, il faut que ça soit en douceur, qu’elle n’ait pas l’impression d’être manipulée. Du moins, c’est la théorie auquel j’ai toujours adhéré. Peut-être que j’ai simplement été chanceux de ne pas me faire piquer. Il y a quelques années, je suis déjà allé sortir deux chauves-souris de la même façon chez une dame qui habitait de l’autre côté du lac qu’il y a en face de chez nous.
Bref, la théorie s’applique au budo en ne donnant pas la sensation à l’adversaire qu’on se bat contre lui. On le laisse patauger dans les espaces vides qu’on lui accorde. Soke avait déjà parlé de vider l’agresseur de son énergie, de son esprit de combattre. On doit amener l’adversaire à un endroit où il semble facile de nous atteindre et où il ne nous atteindra jamais. C’est là que nos outils comme le kyojutsu, l’utilisation des kukan et autres principes viendront compléter ce concept. Et, à la façon d’un mutodori, on doit affronter la guêpe ou l’adversaire de façon détachée en sachant qu’il y a des risques bien sûr, mais sans se laisser intimider et déstabiliser par ces deux adversaires.
De la même façon que l’on peut déplacer la guêpe, le travail léger que l’on fait sur l’adversaire nous amène à le manipuler sans qu’il s’en aperçoive. Lorsqu’il réalise où il se trouve, il est déjà trop tard pour lui. Je dis toujours à mes étudiants si vous agripper votre adversaire, vous êtes autant agrippé que lui. Il peut se servir ce point d’ancrage pour vous déplacer et vous déstabiliser.
Heureusement pour moi, au moment d’écrire ces lignes, la température demeure dans les alentours de -16 degrés Celsius, je n’ai pas encore vu de guêpe.
Bernard Grégoire
Dai Shihan Bujinkan Québec