Interpréter les katas

Interpréter les katas

Dans le blogue qui suit, il ne faut pas confondre les katas de karaté et de kung-fu  où l’on fait de longs enchaînements avec nos katas qui ne sont que des techniques courtes contre un adversaire. 

Lorsqu’on n’est pas certain sur la façon exacte de faire un kata, quel est le réflexe que la plupart d’entre nous avons? C’est probablement d’aller voir sur le net si la réponse ne s’y trouve pas. Et, souvent, la réponse s’y trouve en tellement de versions différentes que l’on s’y perd. Qu’elle est la bonne version, on n’est pas plus avancé. Pourquoi y a-t-il tant de versions? Est-ce qu’il y a une version qui est meilleure qu’une autre? Laquelle devrais-je enseigner à mes étudiants? Loin de régler le problème, notre recherche nous amène souvent à douter de nos propres façons de faire.

Si l’un des katas vus sur le web contient des erreurs et que pour une quelconque raison c’est celui qui est le plus repris par les autres sites internet, il deviendra la référence, même si ce n’est pas la bonne manière de faire et qu’il contient des erreurs. C’est la force de l’internet, le plus grand nombre de réponses identique se transforme en vérité absolue. Il faut faire attention et se servir de Ishiki, notre conscience. Il faut analyser la technique et tenter d’en voir autant les bons côtés que les points faibles. 

On trouve maintenant plusieurs livres sur les ryus. Les katas y sont décortiqués de façons superbes. Le même phénomène se produit. Si vous avez plusieurs enseignants qui réfèrent à ces livres, les katas qui y sont décrits deviennent les katas de référence et s’il y a des erreurs, elles feront partie intégrante du kata enseigné. Est-ce que ces katas que l’on retrouve sur le net et dans les livres sont exacts à 100%, peut-être pas, mais ils ont le mérite d’exister et de pouvoir servir de référence. On n’apprend pas un kata dans une livre ou sur une vidéo, l’enseignement d’un professeur est nécessaire pour trouver et comprendre l’essence du kata.

Pour ceux qui ont présenté ces techniques, que ce soit sur vidéo ou dans les livres, ils sont généralement certains que c’est la bonne technique, car c’est comme cela qu’ils l’ont vu au Japon. En allant au Japon plusieurs fois par année, j’ai revu pas mal tous les katas à plusieurs reprises. J’ai parfois jusqu’à cinq versions et plus du même kata. Le kata est le même dans les grandes lignes, mais il possède de petites différences qui les rendent uniques à leur manière. Mais alors, comment savoir quelle version est la bonne s’ils nous en enseignent plusieurs versions différentes au Japon? 

Dans la plupart des arts martiaux, on doit refaire le kata exactement de la même manière que l’enseignant nous l’a montré. On doit photocopier la forme. Pour nous aussi, la façon d’exécuter le kata est importante, mais je pense que le résultat de la technique l’est encore plus. Pour avoir un résultat optimal, on doit parfois adapter la technique à notre corps, à notre capacité physique et émotionnelle. Les parchemins anciens ne décrivaient pas les katas de façon détaillée. Cela pouvait laisser place à de l’interprétation. En ne décrivant pas la technique en détail, ça empêche un ennemi qui s’emparerait des parchemins de connaître nos secrets. La transmission orale était obligatoire pour tirer le maximum des techniques. La plupart des katas que l’on retrouve sur l’internet ou dans les livres respectent les grandes lignes des manuscrits. Pour ma part, même si j’ai plusieurs versions d’un même kata, je me réfère toujours au livre d’Hatsumi sensei, Unarmed Fighting Techniques of the Samouraï. Oui bien sûr certains diront que l’explication des katas est difficile à comprendre dans le livre. Le livre n’enseigne pas les katas, il donne des points de références pour nous permettre de savoir si l’on est dans le bon chemin ou pas.

Avec le titre de DaiShihan vient la responsabilité d’un enseignement de qualité. Vient également avec ce titre une certaine autonomie dans l’interprétation des katas. Interprétation qui peut varier, mais qui doit toujours respecte le fil conducteur du kata, son essence. Lorsque j’enseigne ces katas, je vais souvent montrer différentes manières de faire le kata. Je vais indiquer que j’ai vu cette version telle année avec tel professeur. Puis, je montre quelle version que j’ai gardée comme étant la référence la plus appropriée selon moi. Chacune des versions que l’on peut voir est bonne si elle nous permet de gagner notre combat et qu’elle n’offre pas des faiblesses dangereuses qui ne sont pas présentes dans le kata d’origine. Mais, il ne faut jamais perdre de vue le fil conducteur que nous offrent les katas. 

Cependant, il arrive fréquemment que l’on puisse voir des variations où l’idée principale du kata n’est plus présente. Il faut faire attention de ne pas perdre de vue l’essence de la technique. Ces katas existent depuis des siècles, il ne nous appartient pas de les changer. Si l’on désire les adapter, il faut aviser les étudiants que ce n’est pas le kata originel, mais une variation personnelle faite par le professeur. 

Probablement que chacun de nous est persuadé de posséder la vérité. Personnellement, je ne suis jamais sûr de rien, c’est pour cela que je n’hésite pas à questionner les shihans japonais sur la façon de faire de plusieurs techniques. Il faut tout faire pour demeurer dans la logique du kata.