Se faire challenger…

J’enseigne les arts martiaux depuis 1982. À cette époque, il arrivait occasionnellement que des gens essaient de tester leurs compétences de combat en tentant de combattre le professeur. À quelques reprises, j’ai rencontré des gens désiraient se battre avec moi et qui me demandaient de leur remettre une ceinture noire s’ils gagnaient. Généralement, ce type de provocation se terminait lorsque je leur demandais de signer une décharge comme quoi je n’étais pas responsable des frais d’hospitalisation et des risques de poursuites. Ceux-là, c’étaient les plus faciles.

Un jour, un homme me demanda pour essayer des techniques. Il paraissait très gentil, d’une politesse sans reproche. Comme la plupart des écoles, j’offre un essai gratuit. Lorsque nous avons pratiqué des saisies au collet, il m’a demandé de lui démontrer la technique simple qui utilisait des points de pression. Mais au lieu d’attendre que je lui explique, il s’est rapidement laissé entraîné au sol et tenta de me projeter la tête contre mon bureau qui était dans le coin du dojo à cette époque. Heureusement pour moi, je ne fais jamais confiance aux gens que je ne connais pas. Au moment de sa tentative de tomoe nage, visiblement cette personne était bonne en judo, mais j’ai réussi à devancer légèrement sa projection en l’amenant au sol. J’ai mis mon pouce dans sa gorge pour le faire toussoter un peu et calmement je lui ai dit que l’on ne devait jamais sous-estimer son adversaire et que ce qu’il avait tenté de faire aurait pu être dangereux. Il s’est levé, est allé mettre ses chaussures et est parti sans dire un mot.

J’ai eu plusieurs fois à contrer des gens qui avaient ce type d’attitude. Mais dans le cadre d’un cours d’art martial, il y a tout de même généralement un certain respect, une limite que les gens ne dépassent que très rarement. Il en va tout autrement lorsque l’on enseigne à des groupes de gens qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité.

Hier soir en enseignant une technique où il y avait un take ori, il m’est revenu à l’esprit une anecdote que j’avais complètement oubliée. Sur une formation que je donnais, l’un des participants n’arrêtait pas de remettre en question les techniques que je démontrais. Il tenait à prouver aux autres qu’il était meilleur que moi et que probablement dans sa tête, il aurait aimé que ce soit lui qui donne la formation. Toutes les fois où il tentait de s’imposer en modifiant la technique, je démontrais de façon logique le danger d’utiliser cette procédure et pourquoi on ne devait pas agir de cette manière. Plus je défaisais ses techniques et plus il se montrait agressif. Finalement, il en est venu à me saisir au collet en disant de me sortir de cette situation si j’étais si bon que cela. Au moment où il s’apprêtait à donner un punch, j’ai fait une clé style ura gyaku sur sa main afin de bien le contrôler. Le type s’est rapidement retrouvé à genou, incapable de bouger. Plus je le tenais, plus il gueulait après moi en disant qu’il allait me donner une volée. Naturellement je n’ai pas relâché ma clé. Toute l’attention était sur nous. Il y avait une rangée de chaises derrière moi. Sans relâcher ma clé, j’obligeais le type à me suivre à genou. Je me suis assis et j’ai demandé aux gens d’approcher. Et là, sans relâcher la clé qui contrôlait l’homme de plus en plus agressif, j’ai pris mon temps pour expliquer que je n’étais pas là pour me confronter avec eux, mais pour leur apprendre de nouvelles techniques et que chaque minute perdue en confrontation était perdue à leur dépend. Durant ce temps, mon agresseur commençait visiblement à se fatiguer. Être en crise comme il l’était demande beaucoup d’énergie et visiblement il commençait à s’épuiser. Après plusieurs minutes je le lâchai en retournant dans le centre de la salle. Il s’est assis sur une chaise et je n’ai plus eu de problèmes avec lui.

Une autre fois durant une pause avec un autre groupe en sécurité, j’étais assis au sol en discutant avec quelques participants. Un homme m’a sauté sur le dos en me faisant une encolure. Par la suite, j’ai su que c’était un pratiquant de MMA. Je m’en étais sorti assez facilement, mais j’avoue que je ne m’attendais absolument pas à me faire essayer durant la pause. Habituellement, les gens essaient les instructeurs lorsque tous les yeux sont tournés vers eux. En deux ou trois secondes, j’avais repris le contrôle et maîtrisais l’idiot. Mais si cela avait tourné en tiraillage sur un plus long moment, ma crédibilité aurait été mise en doute.

Sur une autre formation dans un pénitencier, c’est un colosse qui maintenait un couteau (d’entraînement) sur le côté de mon cou et me regardait en affichant un petit sourire. Il était prêt à résister à toutes les clés que j’aurais pu lui faire. Je ne pouvais tout de même pas lui mettre les doigts dans les yeux pour dire que j’ai gagné. Je me suis contenté de l’agripper par la lèvre inférieure et de l’amener au sol de cette façon. Le petit ligament s’est déchiré, mais rien de dramatique. Ma crédibilité était sauvée. Si je n’avais pas maîtrisé mon agresseur de cette façon, la formation au complet aurait été classée comme n’étant pas à la hauteur. Mais parce que j’avais amené l’homme au sol et que je l’avais contrôlé, alors tout le séminaire a été jugé comme exceptionnel.

Tout au long de ma carrière de formateur, des anecdotes comme celles-là il y en a eu plusieurs. Généralement, si l’instructeur est grand et musclé, il aura tendance à se faire moins essayer. C’est le prix que j’ai à payer pour ma stature très ordinaire et je suis loin d’être le seul formateur en sécurité qui a eu de telles confrontations. Au final, ces altercations m’ont permis de vérifier davantage l’efficacité du matériel que j’enseigne et mon permis de gagner la confiance en soi qui fait parfois défaut à beaucoup de pratiquants d’arts martiaux.

Bernard Grégoire

DaiShihan Bujinkan Québec

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s